18 mars 2011

Josef Von Sternberg et Marlene Dietrich -1- La femme

Je parle sans vraiment savoir, en espérant qu'il en sorte quelque chose d'intéressant;

Toute contestation fondée est avidement souhaitée, ces lignes n'étant qu'un prolégomène à l'étude du sujet;

La production de Josef Von Sternberg doit être divisée en trois périodes, ce qui est, je crois, un fait que nul ne conteste;

Mais il faudrait aller plus loin, peut-être, et dire qu'il y a trois Josef Von Sternberg, qu'il y a trois réalisateurs, qui ne se distinguent pas nécessairement par le style mais par le sens même de ce qui est mis en oeuvre;

Ou même (et il suffirait pour cela de prendre un mot de Sternberg au pied de la lettre) qu'il n'y a qu'une oeuvre de Josef Von Sternberg, qui va de 1930 à 1935, de l'Ange Bleu à La Femme et le Pantin (très différents et deux de mes films préférés), quelle que soit par ailleurs la qualité de ses autres films ou l'ampleur de sa filmographie "réelle", avant les années 30 ou après sa rupture avec Marlene Dietrich;

Car si l'on suit cette hypothèse, l'oeuvre de Sternberg devient indistinguable de celle de Marlene Dietrich; Peut-être alors pourrions nous dire que Marlene aussi n'a existé en un sens que durant ces 6 années, même si sa beauté et son talent ne se sont pas plus évanouis en 1935 que ne l'a fait le génie cinématographique de Sternberg;

Pour ne pas recevoir d'objection taxinomique, de contestation de mot, reformulons tout cela, ou formulons l'hypothèse basse, qui n'a pas moindre ampleur : quelque chose s'est passé, au cours de cette rencontre entre cette femme et cet homme, cette actrice et cet auteur, ce filmeur et cette personne à filmer, quelque chose qui représente peut-être un fait unique dans l'histoire du cinéma, ou du moins, il me semble, qui est non trivial vis à vis de l'ensemble de la production; Une rupture dans le cours normal de l'image, une objection à une théorie "normale" du cinéma [ou théorie du cinéma normal, qui serait par ailleurs la mienne];

Passons donc aux films, et à de la critique idéologique; Je ne parlerai pas ici de technique, je n'en ai pas la compétence, d'ailleurs, même si c'est la technique qui m'a ébloui lors de ma première rencontre avec Sternberg; Il me semble que par la critique idéologique (critique interne), on peut déceler dans l'oeuvre de Sternberg une idée, qui lui est propre, et qui est comme scandaleuse; Cette idée finalement pourrait être une idée comme une autre, et demeurer dans le cadre du cinéma normal, sauf qu'elle prend une telle intensité (qu'il faudra préciser) qu'un doute intervient, doute qui rend nécessaire le passage par de la connaissance historique et biographique (connaissance externe) et qui peut nous mener à un singularité unique propre à cette oeuvre;

La première originalité de Sternberg, que nous pourrions appeler de premier degré, ou originalité relative (en opposition à une originalité absolue), consiste à poser et accepter comme tel un pouvoir destructeur des femmes sur les hommes, de considérer même la femme comme l'objet autour duquel les hommes tournent et qui finira par les détruire; On dira : quelle originalité là-dedans ?, c'est la bonne vieille misogynie; Et bien il me semble que non, et que c'est dans l'absence de misogynie que repose justement l'originalité (mais à nouveau, je suis ouvert à une contestation de ce point, peut-être me méprends-je sur la nature réelle de ce cliché misogyne);

(Je dirais d'ailleurs au passage que j'ai dit que la femme était l'objet autour duquel tourne les hommes, mais il ne faudrait pas en inférer que la femme est une femme objet chez Sternberg, même si l'homme filme et que la femme est filmée, même si l'homme meurt pour elle; au contraire, le personnage principal féminin prend précisément sa vie en main, utilise éventuellement les hommes dans sa vie, est tout sauf soumise aux désirs de ces derniers)

En effet, il me semble difficile d'appeler misogyne une vision qui professe un amour aussi intense de la femme; Pour le dire autrement, on prend en compte le fait que la femme détruise l'homme, mais on ne le lui reproche pas, bien au contraire; On dirait même que Sternberg construit un monde dans lequel ce pouvoir destructeur ne se distingue plus de l'amour de l'homme pour la femme : c'est parce que cet amour est immense qu'il est destructeur, c'est parce que la femme est un être si grand que l'homme meurt pour elle, c'est parce qu'elle est assez puissante pour détruire que la femme est tant aimée... Cette situation peut prendre plusieurs formes : mort tragique, noire, et allemande (l'Ange Bleu), mort héroïque, grandiose, et slave (l'Impératrice rouge), mort baroque, flamboyante et espagnole (la Femme et le Pantin), etc.

La question qui se pose alors est : comment un tel point de vue est-il tenable, dicible, faisable ? Il ne peut tenir que si l'on professe cet amour inconditionnel pour la femme dans chaque image, il faut que tout tourne littéralement autour de la femme dans cette spirale qui est une spirale de mort. Et il faut que la femme soit en quelque sorte LA femme, qu'elle ait la force d'acquérir ce caractère sacré. En somme il faut Marlene Dietrich.

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