27 février 2011

Obsession des listes, deuxième épisode

Films découverts depuis, par approximatif et à ne pas trop prendre à la lettre ordre de préférence :

Les chefs d'oeuvre (en gros) :

L'ange bleu de Josef Von Sternberg (sans commentaires, tout serait vain)
Accatone de Pier Paolo Pasolini (nominé comme meilleur premier film de tous les temps, avec la nuit du chasseur en lice)
Les désaxés de John Huston (chef d'oeuvre absolu)
Les enfants du Paradis de Marcel Carné (chef d'oeuvre, et plutôt deux fois qu'une)
Bonnie and Clyde d'Arthur Penn (chef d'oeuvre absolu)
Que viva Mexico ! de Sergueï M. Eisenstein (titanesque quoi qu'inachevé ; tout ce qu'on dit est vrai)
La folle ingénue d'Ernst Lubitsch (un de mes préférés de lui so far, chef d'oeuvre)
Une autre femme de Woody Allen (chef d'oeuvre)
Venus Noire d'Abdellatif Kechiche (allez, chef d'oeuvre)
Les armes amères de Petra Von Kant de Rainer Werner Fassbinder (sacré chef d'oeuvre)
Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda (plus qu'excellent)
La veuve joyeuse d'Ernst Lubitsch (bis ! bis ! bravo ! bis !)
Le port de l'angoisse d'Howard Hawks (on fait pas mieux)
Oncle Boonmee d'Apitchatpong Weerasethakul (merveilleux, bien entendu, chef d'oeuvre)
Femmes de George Cukor (chef d'oeuvre et décoiffant)
Crimes et délits de Woody Allen (un peu le Woody Allen primordial, magnifique)
Le charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel, (titre très conforme, dans son ironie même, à ce film hilarant et génial)

Les films formidables :

The Barber de Joel Cohen (formidable, et atrocement déprimant)
Toy Story 3 de Lee Unkrich (c'est sans doute un chef d'oeuvre, au fond, mais comme c'est systématique avec Pixar on se rend plus compte, ça devient commun)
Megavixen de Russ Meyer (hahaha)
Elle et lui de Leo McCarey (splendide, bravo, encore !)
Les 4 cavaliers de l'apocalypse de Vincente Minelli (fort étrange et puissant)
Le ciel peut attendre d'Ersnt Lubitsch (formidable et intrigant, chef d'oeuvre probable, mais à revoir)
Les démons de la liberté de Jules Dassin (excellent, très prometteur, riche, puissant, encore un peu vert, laissez murir)
La fille de la cinquième avenue de Gregory la Cava (bravo, bravo ! encore !)
Mata Hari de George Fitzmaurice (réalisation sans grand intéret, mais Greta, Greta...)
Un conte de Noël, d'Arnaud Despleschin (bon, jusqu'à preuve du contraire, je crois que c'est très bien)
Le Canardeur, de Michael Cimino (yep, that's a movie)
Manhattan de Woody Allen (le film est bon, on a vu mieux, c'est super quand il cesse de parler)
La maison et le monde, de Satyajit Ray (c'est triste le nationalisme...)
La côte d'Adam de George Cukor (film brillant et tendu, un peu engoncé dans l'époque, mais à voir)

Les autres, du vraiment bon mais qui coince pour une raison ou l'autre, jusqu'au raté, mauvais etc. (non classés) :

Eraserhead de David Lynch (mouais, bon, pas mon truc m'enfin c'est sûr c'est original)
Il était une fois de George Cukor (fort étrange scénario, très bonne mise en scène)
Tropical Malady d'Apitchatpong Weerasethakul (plus bizarre que Boonmee, à revoir pour confirmation)
L'affaire al Capone de Roger Corman (pas mal du tout, un brin overdramatic)
Le monde sur un fil de Rainer Werner Fassbinder (un peu les pieds dans le tapis mais bon c'est Fassbinder ça reste quelque chose)
Tamara Drewe de Stephen Frears (un Frears mineur, donc pas mauvais)
Rubber de Quentin Dupieux (marrant quelquefois, surtout prétentieux et un peu bête)
Soleil Vert de Richard Fleischer (ça devait être très bien à l'époque : très beaux moments, très bon globalement mais l'histoire a un peu vieilli ; à la limite du ridicule ce qui n'est pas forcément une mauvaise place)
Piranha 3D d'Alexandre Aja (non mais c'est bien en fait hein, très drôle, instant classic du bis)
Une éducation de Lone Scherfig (y aurait tout pour que ce soit bien, mais c'est vraiment gros...)
Un couple formidable de Lucas Belveaux (bête)
L'homme à la caméra, de Dziga Vertov (peut être un chef d'oeuvre, mais j'ai l'impression que ce qui en hérite c'est le clip et son esthétique 1990's, donc tout ce qui ne va pas)
Traffic de Steven Soderbergh (ça aurait pu être bien)
Batman Begins de Christopher Nolan (ça aurait pu ne pas être aussi grotesque)
Love actually de Richard Curtis(un film parfait dans cette catégorie ça fait bizarre, avouons-le)

06 février 2011

S. J. Gould, "Un siècle de vers", in Quand les poules auront des dents
Michèle le Doeuff, "Galilée ou l'affinité suprême entre le temps et le mouvement", in L'imaginaire Philosophique

Thèse de ces deux essais : Le progrès scientifique naît (au moins parfois) de ce qu'on pourrait qualifier négativement comme un manque de rigueur théorique, ou plus exactement comme un refus de laisser une affirmation non rigoureuse bloquer le travail. Plus positivement, on dira que c'est la décision de ne pas rechercher ce qui est vrai, mais ce sur quoi on peut travailler.

Les deux exemples sont donc Darwin et Galilée, pour lesquels je suis entièrement redevable de la littérature secondaire, qui soutient elle-même cette thèse que je n'invente pas, je ne fais que rapprocher les deux éléments :

Darwin écrit un traité sur l'action des lombric sur les sols de l'Angleterre. Le commentaire de cet essai par Stephen Jay Gould a pour but de faire valoir que les petits traités de Darwin avaient pour fonction d'illustrer et de défendre un grand principe scientifique, celui du traité sur les vers consistant à dire qu'une petite cause répétée sur un temps long peut produire de grands effets. Or Gould argue que c'est ce principe qui est au fondement de l'entreprise évolutionniste darwinienne (c'est déjà le cas de l'évolutionnisme lamarckien mais je suppose que la version darwinienne requiert encore beaucoup plus de temps pour être simplement possible). Mais cela va plus loin, car ce qui est en jeu, c'est comment expliquer un phénomène non répétable et non observable (l'évolution des espèces) ? Si l'on postule une action rapide, une création, des modifications brutales, on ne peut pas décrire cette évolution sans en avoir une observation directe. Mais si l'on postule une action continue et lente, on peut l'observer pendant un temps court et multiplier ces petits effets autant de fois qu'il le faut, par une simple arithmétique. Or le darwinisme classique (à ne pas strictement identifier avec Darwin, qui, de façon analogue à Marx qui n'était pas marxiste, n'était pas darwiniste) se caractérise précisément par le postulat d'un temps long et d'une causalité continue. Stephen Jay Gould cherche justement à remettre ce postulat en question en mettant en valeur l'importance de temps brefs et d'événements à l'échelle géologique qui joue un rôle dans une évolution qui connaît des phases brutales. Il considère néanmoins le postulat darwinien comme éminemment scientifique, comme paradigmatique même, en un sens, de la scientificité, car il n'a pas consisté à choisir l'hypothèse la plus vraie, la plus vraisemblable, la plus élégante, la plus en accord avec les faits, mais simplement l'hypothèse qui lui permettait de travailler. L'hypothèse qui permettait de ne pas se contenter de croire ou d'attendre des résultats qui ne viendraient jamais.

Je suis beaucoup plus court sur le cas Galilée que je connais beaucoup moins. Ce que développe Michèle le Doeuff, elle-même redevable de la littérature spécialisée, c'est que Galilée est sorti des débats classiques en son temps qui disaient que l'accélération de la vitesse de chute était proportionnelle à l'espace parcouru, en établissant qu'elle était proportionnelle au temps de la chute. Et elle suggère qu'il n'a pas fait cela parce que c'était évident (elle cherche à prouver que c'était tout sauf simple ou évident), ni parce que c'était plus conforme aux faits, à l'expérience, ou quoi, mais en partie parce que calculer une accélération proportionnelle à l'espace parcouru aurait nécessité un outillage mathématique inexistant à l'époque de Galilée (ce qui empêchait qu'on vérifie même l'hypothèse) alors qu'il pouvait calculer l'accélération proportionnelle au temps.