20 avril 2010

The private life of Sherlock Holmes, 1970


Pourquoi ai-je choisi ce film dans l'oeuvre de Billy Wilder pour le mettre dans la liste ?
Je ne l'ai vu qu'une fois, probablement au cours d'une rétrospective. C'était il y a des années, à l'époque je commençais à m'intéresser au cinéma. J'ai adoré, tout de suite, je me souviens, mais enfin pas au point de me dire que ça allait être un de mes films fétiches. C'est juste que dans la deuxième liste (celle qui va de z à f en passant par a, si vous avez compris le principe), je ne pouvais pas omettre Billy Wilder, qui est assurément un des réalisateurs que j'aime le mieux.

Vous allez dire :

- Alors, Boulevard du Crépuscule, voyons ! Le gros classique monstrueux, l'oeuvre intouchable, la perle du cinéphile !

- Oui, évidemment, pour Buster Keaton, presque sorti de la tombe, toujours aussi beau, toujours aussi tragique. Pour la noirceur mystérieuse et le scénario béton. Mais non, parce que ce ne sont pas les films noirs, dans l'oeuvre de Billy plus sauvage, qui m'ont rendu amoureux quand je l'ai découverte...



- Tu aimes ses comédies ? Mais alors, le grand classique, le grand chef d'oeuvre populaire, la comédie américaine la plus adulée (à peu de choses près) : Certains l'aiment chaud ! Arrête de faire ton snob et de nous parler d'un film que personne ne connaît et qui est noté à moins de 8 sur IMDB !

- Oui, évidemment, parce que Marilyn et le mélange d'effronterie et d'innocence bien connu... Parce que Tony Curtis au sommet, parce que Jack Lemmon en délire, parce que le trouble des genres, parce que "Nobody's perfect", pour George Raft et les hommages hilarants à Scarface... Bien sûr...



Mais en fait, ce film est bien trop brillant pour un coup de foudre. C'est du pur génie, mais dans une ambiance hollywoodienne, c'est shiny... Un amoureux veut plus d'intimité, il veut des déclarations de principes plus discrètes.

Je vais vous dire pourquoi j'aime Billy Wilder entre tous les américains : parce qu'il n'est pas du tout frondeur, mais que, au monde d'Hollywood, au monde du code Hays, il soustrait la morale. L'histoire se déroule l'air de rien, tout est hilarant, mais à la fin toute culpabilité s'évanouit, tout ressentiment, tout puritanisme. On rigole, on pardonne, les principes n'ont plus l'air de ressembler à rien. L'homosexualité est une opportunité à saisir. L'adultère, une occasion de sauver un mari, un rêve à réaliser, ou une histoire du passé et qui n'est pas bien grave : voyez Embrasse-moi idiot !, ou Avanti !. Billy Wilder, cela sauve le monde, ça l'allège, ça l'enchante.

- Pourquoi Sherlock, dans ce cas ?

- J'y viens. A plusieurs occasions dans sa vie, Billy a quitté Hollywood, il s'est enfui des gros studios pour ne pas avoir la grosse machine sur son dos (je parle d'après son départ d'Allemagne, bien entendu). En 1948, il se rend dans Berlin occupé pour faire un film sur Berlin occupé, La scandaleuse de Berlin, avec Marlene Dietrich. Il prétend y aller pour faire couleur locale (et il y arrive très bien). Résultat : un film très étrange, dans lequel le rôle des américains est plus que mis en question. En fait, dans ses films noirs aussi, la belle morale propre s'est fait la malle, sauf que là, c'est le côté sombre de l'amoralité qui prime. Dans Sunset Boulevard, c'est la richesse et l'amertume qui créent les situations perverses, la position intenable, la crise à venir (dont on sait la conséquence dès l'entrée). Dans La scandaleuse, c'est l'anarchie de l'après guerre, l'occupation, les manteau de fourrure vendus pour une plaquette de beurre.
Plus de vingt ans plus tard, Billy a fait une belle carrière aux USA, mais il part en Europe, pour se dégager les bronches. Ce qu'il acquiert dans notre vieux monde (d'où il était venu au nouveau), c'est de la liberté, plus de légèreté encore. Une sorte d'indépendance, quelque chose comme l'esprit du film d'auteur opposé à l'esprit des studios. N'oublions pas qu'il retourne en Europe au début des seventies, alors que le film d'auteur européen (mais aussi américain) est sur le point de porter le cinéma à son sommet. En 1972, en Italie, il fera Avanti!, avec Jack Lemmon encore. Mais avant, en 1970, il s'offre un épisode de la série des Sherlock Holmes.
Pourquoi ce film est-il mon préféré ? Parce qu'il a tout ce que les autres ont, avec un zeste d'esprit anglais en plus. Avec plus de délicatesse dans l'intelligence. C'est plus drôle parce que plus fin. Et puis c'est moins connu, c'est une pierre précieuse.


Désolé pour les non-anglophones, je sais ça parle beaucoup, c'est l'humour british, vous savez bien, faut du texte pour être subtil... Admirez le départ en musique.

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